Protéger sa société dès la création : les stratégies à connaître
Le mariage est un engagement qui influence profondément tous les aspects de la vie, y compris les projets professionnels. La création d’une société ne fait pas exception.
Puisque le mariage entraîne des conséquences juridiques et patrimoniales importantes, créer une entreprise en étant marié ne peut se faire de manière habituelle. Il est essentiel d’adopter des précautions spécifiques et d’intégrer certaines stratégies dès le départ, afin de protéger son activité en cas de séparation ou de divorce.
Voici les principales astuces à appliquer dès la constitution de la société pour se prémunir des conséquences d’un divorce :
1. Utiliser des fonds propres bien identifiés
Si un des conjoints utilise un héritage ou une donation reçue avant de créer la société, il peut revendiquer ces parts. Ces parts sont considérées comme un bien propre. Cela doit être clairement mentionné dans les statuts.
2. Prévoir une clause de non-association du conjoint
Pour éviter de devenir associés lors d'une séparation, les statuts peuvent inclure une clause. Cette clause dit que le conjoint non associé renonce à son droit de devenir associé en cas de divorce. Il conserve cependant une compensation financière équivalente à 50 % de la valeur de la société.
3. Sortir volontairement la société de la communauté
Une autre solution est d'échanger des biens après la création de la société. L'entreprise devient un bien propre. En échange, l'autre conjoint reçoit un bien de valeur équivalente. Cette opération permet d’éviter un partage ultérieur des parts sociales, notamment si l’on est marié sous le régime de la communauté.
4. Anticiper le choix du régime matrimonial
Changer de régime matrimonial, comme passer à la séparation de biens avant de créer la société, peut être une bonne stratégie. Cela aide à protéger les patrimoines et à réduire les risques. Cela évite que les parts deviennent automatiquement des biens communs en cas de procédure de divorce.
Au-delà des mécanismes juridiques, certaines pratiques permettent de sécuriser davantage le projet :
- Documenter précisément l’origine des apports pour pouvoir prouver la nature propre des fonds injectés dans la société.
- Faites appel à un professionnel du droit. Cela peut être un notaire, un avocat ou un expert-comptable. Ils peuvent vous aider à sécuriser les clauses statutaires et le cadre juridique de votre création.

L’impact du régime matrimonial sur les parts sociales de la société
Créer une société en étant marié, ce n’est pas seulement entreprendre à deux. C’est aussi composer avec un cadre juridique qui influence directement la propriété des parts sociales, selon le régime matrimonial choisi. Ce cadre doit donc être anticipé dès la création de l’entreprise, surtout si j'ai une entreprise et je divorce aujourd’hui.
Les différents régimes matrimoniaux
Avant d’aborder les conséquences concrètes pour la société, il faut bien distinguer deux types de biens :
- Les biens propres, qui appartiennent à un seul époux, quelle que soit la date d’acquisition.
- Les biens communs appartiennent aux deux conjoints. Cela dépend des règles de leur contrat de mariage. Si aucun contrat n'existe, le régime légal s'applique. Ce régime est appelé communauté réduite aux acquêts.
En France, il existe quatre grands types de régimes matrimoniaux :
- Le régime légal (communauté réduite aux acquêts) : si une société est créée avec des fonds communs, les parts appartiennent aux deux conjoints.
- La communauté universelle : tous les biens, y compris ceux de l’entreprise, sont communs. Ici, les parts sociales ou actions acquises pendant le mariage appartiennent automatiquement au couple.
- Le régime de la séparation de biens : chaque époux reste propriétaire des biens qu’il acquiert. Précaution utile si l’on veut éviter que son ex-conjoint ait un droit sur l’entreprise.
- Le régime de la participation aux acquêts signifie que les biens restent personnels pendant le mariage. Cependant, les gains réalisés sont partagés en cas de divorce. Cela peut donc inclure la valorisation des parts sociales.
Régime matrimonial et statut de l’associé
Le type de société créée influence aussi les conséquences du régime matrimonial.
Dans le cas des sociétés de personnes, comme les SARL, SCI ou SNC, les parts peuvent être achetées avec des biens communs. Dans ce cas, les époux peuvent se retrouver en qualité d’associé, même si un seul a investi. Le conjoint non souscripteur dispose d’un droit de revendication sur la moitié des parts.
Dans les sociétés par actions (SA, SAS…), seul le conjoint qui a réalisé l’apport devient associé, peu importe l’origine des fonds. Toutefois, les dividendes perçus sont considérés comme un revenu commun.
En séparation de biens, la situation est plus simple : si un époux investit avec ses fonds personnels, les parts lui appartiennent. En revanche, si un compte joint est utilisé, on suppose que les fonds sont partagés. L'époux qui a apporté des fonds doit prouver qu'il a utilisé son propre argent.
Quels statuts pour le conjoint qui travaille dans l’entreprise ?
Si votre conjoint participe régulièrement à l’activité de votre entreprise, il doit avoir un statut reconnu. Ce statut détermine ses droits sociaux, son niveau de protection, et son rôle au sein de la structure. Il dépend du type d’entreprise créée.
Dans une entreprise individuelle
Deux statuts sont possibles pour le conjoint qui travaille régulièrement dans une entreprise individuelle :
- Le statut de conjoint collaborateur, qui ne prévoit pas de rémunération. Il est accessible au conjoint marié. Il n’est pas autorisé si l’entreprise est une micro-entreprise.
- Le statut de conjoint salarié, qui implique un contrat de travail (CDD ou CDI) et une rémunération minimale (1766,92 € brut mensuel). Ce statut est accessible aux conjoints mariés, mais le conjoint ne peut avoir aucun pouvoir de gestion.
Dans une société
Trois options statutaires sont possibles pour le conjoint qui travaille activement dans une société :
- Le statut de conjoint collaborateur est pour les conjoints non associés. Ils ne sont pas payés. Le chef d’entreprise doit être gérant associé majoritaire d’une SARL ou d’une SELARL.
- Le statut de conjoint salarié, qui nécessite un contrat de travail et un salaire mensuel minimum. Le conjoint ne doit pas intervenir dans la gestion de la société. Ce statut est compatible avec la plupart des formes de société, à l’exception des micro-entreprises.
- Le statut de conjoint associé, qui implique que le conjoint détienne des parts sociales ou des actions. Il a alors un droit de vote aux assemblées générales et sa responsabilité est limitée à son apport. Ce statut est possible dans les SARL, SELARL, SAS ou SNC.
En l’absence de déclaration de ce statut, le conjoint est automatiquement considéré comme conjoint salarié, selon le Code de commerce.
Que se passe-t-il pour votre société en cas de divorce ?
Au moment du divorce, le partage du patrimoine dépend directement du régime matrimonial choisi. Si les parts sociales ont été financées avec des biens communs, elles font partie de ce qui doit être partagé. Cela peut rendre l’entreprise plus fragile.
Le cas classique : les parts sont communes
Si les parts sociales ont été achetées avec des biens communs, elles sont évaluées au moment du divorce. Ensuite, leur valeur est partagée entre les conjoints. Cette situation est fréquente sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.
Dans une société de personnes, le conjoint non souscripteur peut revendiquer la moitié des parts. Il doit pour cela notifier son souhait à la société. Si cette notification est faite lors de l’acquisition, l’agrément des associés vaut pour les deux époux. Si elle intervient après, un nouvel agrément est nécessaire.
Comment éviter le partage de l’entreprise ?
Plusieurs solutions existent pour éviter que la société ne soit divisée en cas de séparation :
- Insérer une clause dans les statuts stipulant que le conjoint non associé renonce à son droit de devenir associé en cas de divorce. Il percevra alors une compensation financière équivalente à sa part, mais ne pourra pas intervenir dans la gestion de la société.
- Changer de régime matrimonial pour basculer vers le régime de la séparation de biens. Cette modification est possible après deux ans de mariage.
- Constituer la société avec un bien propre, par exemple un héritage ou une donation. Si les fonds sont clairement identifiés comme personnels et que cela est mentionné dans les statuts, la société peut rester un bien propre.
- Échanger des biens entre les conjoints. Retirer la société du patrimoine commun pour obtenir un autre bien de valeur équivalente. Ce reclassement permet de transformer l’entreprise en bien propre après sa création.
Créer une société en étant marié, ça se prépare
Créer une entreprise en étant marié ne s’improvise pas. Derrière les statuts de la société, il y a une autre réalité juridique. C'est le régime matrimonial.
Ce régime a des conséquences sur la propriété des parts. Il affecte aussi la gestion de l’entreprise et le patrimoine en cas de séparation.
S’entourer d’un notaire ou d’un avocat n’est pas une formalité, c’est une précaution essentielle. Parce qu’au-delà de l’entreprise, c’est aussi la sérénité du projet conjugal et professionnel qui est en jeu.