Qu’est-ce que l’analyse SWOT ?
Avant de se plonger dans le cas pratique, rappelons les grands principes de cet outil né dans les années 1960 à Harvard et qui n’a pas pris une ride depuis.
Le modèle SWOT est un outil marketing qui repose sur une matrice à 4 cases (d’où son nom) permettant de structurer l’information autour de 4 dimensions :
- Strengths (Forces) : atouts et points forts internes sur lesquels capitaliser
- Weaknesses (Faiblesses) : handicaps et vulnérabilités internes à corriger
- Opportunities (Opportunités) : tendances et facteurs externes positifs à capter
- Threats (Menaces) : risques et tendances négatives externes à anticiper
L’originalité de la matrice SWOT réside dans le croisement entre facteurs internes (Strengths/Weaknesses) et externes (Opportunities/Threats), qui permet un diagnostic à 360°. L’analyse s’attache ainsi autant aux paramètres maîtrisables (ses forces/faiblesses) qu’aux évolutions sur lesquelles on a moins de prise (opportunités/menaces de l’environnement).
Réaliser sa matrice SWOT poursuit trois objectifs clés :
- Dresser un état des lieux factuel de sa situation à un instant T pour clarifier sa position
- Identifier ses priorités stratégiques en combinant les facteurs internes et externes
- Fédérer ses équipes autour d’une vision et d’un plan d’actions commun
Bien menée, l’analyse SWOT doit déboucher sur des choix stratégiques clairs et une feuille de route. Ce n’est pas un exercice théorique ponctuel mais un véritable outil de pilotage vivant à faire évoluer au fil du temps.
Exemple d’analyse SWOT pour un restaurant
Rentrons dans le vif du sujet avec le cas d’étude fictif. Imaginons être aux commandes de ce restaurant gastronomique et vouloir réaliser son analyse SWOT. Procédons case par case.
1. Forces
Commencer par lister tous les atouts distinctifs de l’établissement. Sur quels aspects se démarque-t-il positivement de ses concurrents ? Quelles sont ses compétences clés ? Pour identifier ses forces, un restaurateur doit se poser ces questions :
- Qu’est-ce que les clients apprécient le plus chez lui ?
- Sur quels éléments se fonde la réputation du restaurant ?
- Quelles sont les compétences humaines et techniques uniques de l’équipe ?
- Quels sont les avantages compétitifs en termes d’emplacement, d’approvisionnement...?
- Quel est le principal marqueur d’image positif de l’établissement ?
Exemples de forces pour le restaurant gastronomique :
- Réputation du chef doublement étoilé Michelin et intervenant régulier dans les médias
- Emplacement premium en hyper-centre, très visible et accessible (parking à proximité)
- Décor et ambiance raffinés, identitaires, conçus par une architecte d’intérieur réputée
- Carte courte renouvelée chaque saison à partir de produits frais de petits producteurs
- Expérience client très qualitative avec un service attentionné (ratio 1 serveur pour 5 couverts)
Un aspect important : se concentrer sur les atouts les plus distinctifs et perceptibles par la clientèle. Plutôt que de lister 10 forces banales, mieux vaut en identifier 4-5 réellement différenciantes et valorisables.
2. Faiblesses
Passer maintenant au crible ses défauts et vulnérabilités. Quels sont les maillons faibles du parcours client ? Sur quels aspects le restaurant pèche-t-il comparé à ses concurrents ? Exemples de questions à creuser :
- Qu’est-ce qui génère le plus d’insatisfaction chez les clients ?
- Quelles sont les critiques récurrentes postées sur les avis en ligne ?
- Quelle est la principale contrainte en termes d’infrastructure ?
- Sur quelles fonctions y a-t-il des difficultés à recruter et fidéliser ?
- Quel est le principal point noir économique de l’établissement ?
Exemples de faiblesses pour le restaurant :
- Vieillissement des installations (cuisine, système de climatisation, mobilier)
- Absence de menu du jour d’entrée de gamme limitant l’accessibilité prix
- Horaires restreints (seulement le soir du mardi au samedi) bridant le chiffre d’affaires
- Manque de compétences digitales en interne et faible présence sur le web
- Niveau sonore élevé lié à l’acoustique des lieux, source de plaintes
Un aspect important : rester lucide et sans concession mais pas alarmiste. Distinguer les irritants ponctuels facilement résorbables des faiblesses structurelles supposant des investissements lourds.
3. Opportunités
Projection vers l’extérieur. Identifier les tendances porteuses, les évolutions de marché favorables, les changements de comportements des clients à saisir. Exemples d’opportunités à scruter :
- Quelles sont les innovations technologiques récentes transposables à l’établissement ?
- Quelles tendances food émergentes (produits, recettes, concepts...) peuvent être captées ?
- Quels sont les projets structurants prévus à proximité (nouveaux bureaux, lieux culturels...) ?
- Quels événements ou animations thématiques imaginer en lien avec l’actualité ?
- Quels nouveaux services ou modes de consommation intégrer ?
Exemples d’opportunités pour le restaurant :
- Essor de la livraison de repas gastronomiques à domicile
- Rénovation d’un théâtre voisin de 800 places avec l’afflux attendu de spectateurs en after-show
- Valorisation de l’art de vivre français
- Intérêt grandissant pour les accords mets et vins locaux
- Succès des expériences immersives (réalité augmentée, animations) dans le luxe et la culture
Un aspect important : ne pas se disperser, sélectionner les tendances les plus matures et pertinentes au regard du concept. Un bistrot n’a par exemple rien à gagner à surfer sur la vague des dark kitchens ! L’analyse doit coller à l’ADN de l’établissement.
4. Menaces
Terminer en identifiant les risques susceptibles de dégrader l’activité. Changements réglementaires, nouveaux concurrents, mouvements sociaux, ruptures technologiques... lister les menaces potentielles pesant sur le restaurant :
- Quels sont les projets immobiliers alentour risquant d’affaiblir l’emplacement ?
- Quels concurrents émergents ou concepts disruptifs pourraient menacer l’offre ?
- Quelles réglementations à venir risquent d’alourdir les charges ou contraintes ?
- Quelles pénuries de main d’œuvre ou de matières premières pourraient peser sur l’activité ?
- Quels aléas conjoncturels ou comportements de consommation négatifs faut-il intégrer ?
Exemples de menaces pour le restaurant :
- Ouverture prochaine d’un food court avec offre premium dans le centre commercial d’à côté, amenant une concurrence accrue
- Flambée des prix de certains produits clés mal anticipée par les contrats fournisseurs actuels
- Durcissement attendu de la législation sur la traçabilité et le bien-être animal (œufs, volaille...)
- Multiplication des arrêts de travail et turn-over accru des équipes depuis la crise sanitaire
- Précarisation d’une partie de la clientèle affaires suite à une vague de plans sociaux locaux
Un aspect important : si certaines menaces s’avèrent hors de contrôle, d’autres peuvent être anticipées par des actions préventives. L’analyse doit être la plus factuelle possible, en s’appuyant sur des données et signaux tangibles, pas sur des craintes infondées.
Comment interpréter la matrice et dresser un plan d'action ?
Une fois la matrice complétée, un travail d’interprétation s’impose pour passer de l’analyse à l’action. L’astuce consiste à croiser astucieusement les forces et faiblesses internes avec les opportunités et menaces externes pour en déduire les priorités stratégiques.
- Exploiter les forces pour saisir les opportunités (stratégie offensive). Exemple : capitaliser sur la notoriété du chef pour lancer une offre de cours de cuisine en visio
- S’appuyer sur les forces pour réduire les menaces (stratégie défensive). Exemple : faire jouer la qualité de la relation fournisseurs pour sécuriser les approvisionnements
- Corriger les faiblesses en exploitant les opportunités (stratégie de renforcement). Exemple : profiter des aides à la digitalisation pour former les équipes et refondre le site web
- Veiller à ce que les menaces n’aggravent pas les faiblesses (stratégie de sauvegarde). Exemple : instaurer un plan de fidélisation pour limiter l’attrition de clientèle liée à la conjoncture
Pour être efficace, le plan d’actions doit rester réaliste et resserré autour de 5 à 10 actions clés. Prioriser en fonction de leur impact potentiel et de leur facilité de mise en œuvre.
Décliner ensuite chaque axe stratégique en plan opérationnel concret, chiffré et daté. Exemple : “Lancer une offre de vente à emporter et livraison (objectif : 20% du CA et 15K€ de marge en année 1 / Budget : 35K€ / Pilote : Responsable commercial / Echéance : T5-2026)”.
Une matrice SWOT peut aussi aider à valider la viabilité d’une nouvelle offre ou d’un investissement. Lister les forces, faiblesses, opportunités et menaces du projet pour mieux en cerner la rentabilité potentielle et les risques. Cela pourra étayer le business plan d'un restaurant et le discours auprès des partenaires financiers.
Quand est-il opportun de faire une analyse SWOT de son restaurant ?
Mener une analyse SWOT s’avère particulièrement pertinent à plusieurs moments clés de la vie d’un restaurant :
En phase de création, lors de l’élaboration d’un business plan
La matrice SWOT aidera à affiner le concept, valider sa viabilité et sécuriser le modèle économique. C’est le moment d’être lucide sur les réels facteurs de différenciation et d’attractivité. Cette analyse contribuera à solidifier le prévisionnel de chiffre d'affaires d'un restaurant, en objectivant son potentiel. Elle vient alimenter directement le travail d’évaluation financière mené par un expert-comptable spécialiste de la restauration.
Avant un projet de reprise ou de transmission
Idéalement en complément d’une étude de marché restaurant. Les cibles envisagées sont-elles en phase avec les fondamentaux de l’établissement ? Son emplacement est-il réellement en cohérence avec le concept ? Autant de questions auxquelles l’analyse SWOT aidera à répondre.
À intervalles réguliers pour challenger sa stratégie (a minima annuellement)
L’idée est de faire un état des lieux de ses forces et faiblesses au regard des évolutions de l’environnement. Utile pour dépoussiérer ses routines et éviter de s’endormir sur ses acquis ! Les renversements de tendances sont si vite arrivés...
Face à des signaux de ralentissement de l’activité
Baisse de fréquentation, dégradation des avis clients… un coup d’arrêt révèle souvent des vulnérabilités qui couvaient. La matrice aidera à les identifier et à réagir vite, en jouant sur ses atouts pour redresser la barre.
En amont d’un projet d’investissement significatif
Nous parlons ici d’une rénovation, d’un nouveau point de vente, de la digitalisation de la relation client, etc. Là encore, cartographier forces, faiblesses, opportunités et menaces permettra de valider la pertinence d’un projet et d’en identifier les facteurs de réussite.
Notons que si la matrice SWOT s’utilise majoritairement en approche globale, elle peut aussi s’appliquer à une problématique ciblée (un segment de clientèle, un circuit de distribution, une technologie). À chaque fois qu’il y a une décision structurante à prendre, cette grille d’analyse se révèle précieuse.
La crise du COVID a rappelé combien l’univers de la restauration pouvait être volatil et imprévisible. Mieux vaut mener son analyse SWOT à un rythme plus rapproché. Un nouveau confinement, une rupture d’approvisionnement, une pénurie de main d’œuvre peuvent rebattre les cartes à tout instant.
Quelles sont les clés d’une analyse SWOT réussie ?
Pour tirer pleinement parti d’une analyse SWOT, voici quelques recommandations complémentaires :
- Impliquer ses collaborateurs représentatifs des différents services dans la réflexion. Leur regard terrain permettra d’identifier des éléments concrets que l’on n’aurait pas vus depuis un poste de pilotage.
- Dans la même logique, croiser SWOT interne avec des regards externes (clients, fournisseurs, experts) pour enrichir et objectiver le diagnostic.
- Regrouper et reformuler les items similaires de façon synthétique, pour obtenir une matrice lisible et actionnable. Pas plus d’une dizaine d’items par case !
- Prioriser ses actions en combinant trois critères pondérés : leur impact business potentiel, leur probabilité de succès, le ratio coût/bénéfice induit.
- Suivre et ajuster régulièrement le plan, en restant à l’affût des signaux faibles et des résultats intermédiaires pour adapter ses actions.
Mener une analyse SWOT ne prendra pas plus d’une journée. Mais l’impact positif pour son restaurant peut se chiffrer en mois, voire en années de trajet rectifié. Cet investissement en valait donc largement la peine.
Quels sont les pièges à éviter dans son analyse SWOT ?
Si la matrice SWOT s’avère précieuse pour tout restaurateur, encore faut-il en faire bon usage. Voici quelques écueils classiques à anticiper :
- La confusion entre interne et externe : toujours veiller à positionner chaque élément dans la bonne case. Une opportunité n’est pas une force, et vice versa.
- Le manque d’objectivité : on a naturellement tendance à minimiser ses faiblesses et à exagérer ses forces. Il faut “contourner” ses biais de perception en s’appuyant sur des faits, par exemple en sollicitant des personnes externes neutres.
- La dimension catalogue : à trop vouloir être exhaustifs, on noie les éléments clés sous une myriade d’items secondaires. Il faut se concentrer sur l’essentiel.
- La vision statique : la matrice n’est pas gravée dans le marbre, on l’actualise a minima 2 fois par an pour suivre les évolutions et mesurer les progrès.
- La déconnexion de la mise en œuvre : l’analyse n’est utile que si elle débouche sur des actions. La matrice doit guider les décisions au quotidien, pas dormir au fond d’un tiroir.
Au-delà des actions d’optimisation à conduire en propre, certaines menaces ou opportunités peuvent nous conduire à nouer des partenariats stratégiques externes. C’est par exemple le cas si la montée en puissance des dark kitchen nous amène à réfléchir à une diversification vers la livraison en nous alliant à une plateforme spécialisée.
FAQ : questions récurrentes sur l’analyse SWOT d’un restaurant
Quelle est la bonne périodicité pour refaire son analyse SWOT ?
Tout dépend du rythme d’évolution du marché et de l’activité. Un restaurant en phase de repositionnement stratégique la mettra à jour trimestriellement. Un établissement plus mature pourra se contenter d’une révision annuelle, avec un point intermédiaire à 6 mois. L’essentiel est d’en faire un outil de pilotage vivant, et pas un pensum administratif.
Comment exploiter les résultats d’une analyse SWOT dans son business plan ?
La matrice peut nourrir utilement plusieurs rubriques clés d’un bussiness plan en lui donnant plus de hauteur :
- Partie marché : les opportunités et menaces externes
- Partie activité : les forces et faiblesses internes
- Volet stratégique : les orientations issues du croisement forces/faiblesses/opportunités/menaces
- Volet prévisionnel : chiffrage et ROI des actions issues de l’analyse
Quels sont les autres outils d’analyse stratégique complémentaires à la matrice SWOT ?
Plusieurs outils marketing peuvent enrichir la réflexion d’un restaurateur, selon les enjeux prioritaires :
- Le PESTEL (Politique, Economique, Social, Technologique, Écologique, Légal) pour cartographier finement son macro-environnement
- Les 5(+1) forces de Porter pour analyser son environnement concurrentiel et ses rapports de force sectoriels
- Le Benchmark pour le positionner face à ses concurrents sur ses facteurs clés de succès (qualité, prix, localisation, réputation, services)
- Le Balanced Scorecard pour décliner sa vision stratégique en objectifs opérationnels suivis et mesurés