Comment se compose le chiffre d’affaires d’un restaurant ?
Le chiffre d’affaires d’un restaurant découle de la combinaison de plusieurs rouages clés :
CA = Nombre de couverts x Ticket moyen x Nombre de services x Nombre de jours d’ouverture
Dans cette formule de base :
- Le nombre de couverts servis par service dépend de la capacité de la salle et du taux de rotation des tables.
- Le ticket moyen reflète le montant moyen dépensé par client, lui-même fonction de la politique de prix et de l’aptitude à générer des ventes additionnelles.
- La fréquence des services (2 le plus souvent : midi et soir) et le nombre de jours d’ouverture par semaine (entre 5 et 7) permettent au restaurateur de tirer les trois premiers paramètres à la hausse.
Au-delà de cette formule de base, la réalité est que la structure du CA varie sensiblement selon le type d’établissement. Commençons donc par poser quelques repères pour ceux qui
Le chiffre d’affaires se calcule-t-il de la même façon dans tous les restaurants ?
Dans les établissements de service à table
Dans un restaurant gastronomique qui pratique le service à table auprès de sa clientèle, l’analyse se focalise sur le nombre de couverts servis (taux d’occupation salles x nombre de rotations) et le ticket moyen.
Ici, le taux d’occupation est un élément central, on table sur 1,2 à 1,5 rotation maximum par service. Logique, car l’expérience client prime.
Avec des prix moyens élevés (80-150€), la clé réside dans le taux de capture : le % de clients prenant un menu ou un accord mets et vins, notamment.
Dans la restauration rapide
À l’inverse, un établissement de restauration rapide (fast-food, cafétéria) scrute avant tout son débit (nombre de clients servis par heure) et sa commande moyenne.
L’enjeu est clair : il faut faire tourner les tables jusqu’à 8-10 fois par service, via un parcours client ultra-optimisé. Le prix moyen se situe certes autour de 10-15€, mais le volume compense.
Dans les autres modèles
Entre ces deux extrêmes, on trouve les brasseries et bistrots qui peuvent suivre d’autres chiffres. Ils reprennent bon nombre de caractéristiques du modèle gastronomique (service à table), tout en compressant la durée moyenne d’occupation (45min vs 2h).
Leur ratio phare est le RevPASH, le CA par siège et par heure. Le ticket moyen se situe en général entre 25 et 40€.
Quels sont les invariants ?
Effectivement, malgré ces différences de modèle, des invariants demeurent. Le CA d’un restaurant se répartit toujours entre ventes de nourriture (70-75% en moyenne) et ventes de boissons (25-30%) :
- Sur les boissons, le poids relatif des alcools, des softs, des chaudes et des eaux varie sensiblement selon le concept.
- Idem pour la nourriture, avec des mix produits orientés entrées/plats/desserts ou menu/carte selon le positionnement.
N’oublions pas non plus l’impact de la saisonnalité sur le CA. Les périodes de vacances scolaires et les beaux jours dopent la fréquentation.
Certains établissements réalisent jusqu’à 30% de leur CA annuel sur les seuls mois d’été ! À l’inverse, les creux d’activité pèsent lourd. Il faut aussi composer avec des temps forts ponctuels (repas de groupe, séminaires).
Pourquoi retenir le “CA distribution HT” comme principal indicateur de chiffre d’affaires ?
C’est ce CA distribution HT qui sert de référence pour apprécier la santé commerciale d’un établissement et calculer ses ratios clés.
C’est aussi celui que l’administration fiscale examine à la loupe, notamment pour les questions de reversement de TVA (10% sur la nourriture, 20% sur les boissons alcoolisées en 2025).
Attention, le diable se niche dans les détails. Une mauvaise répartition du CA entre les taux de TVA réduit (10%) et normal (20%) expose à un redressement fiscal.
En tant qu’expert-comptable spécialiste de la restauration, nous sommes bien conscients que la fiscalité du secteur s’apparente souvent à un casse-tête. Les choses évoluent vite, entre multiplicité de taux, de régimes (réel, simplifié) et de taxes spécifiques (taxe sur les salaires, TSVR).
Quels sont les KPIs incontournables pour radiographier son CA ?
Il y en a quatre :
- Le taux d’occupation : il mesure la capacité à remplir sa salle sur une période (nb de couverts réels / nb de couverts possibles). En gastronomie, 1 à 1,2 est satisfaisant. En bistrot, il faut tutoyer 1,5 voire 2. Mieux vaut alors parler de taux de rotation !
- Le ticket moyen : c’est le montant moyen dépensé par client. Les facteurs clés : le price mix (répartition ventes menu/carte) et l’efficacité des ventes additionnelles (suppléments, boissons). Un bon système de caisse avec remontées statistiques est précieux pour le suivre.
- Le ratio boissons/plats : un incontournable vu les marges pratiquées sur les boissons. Leur part doit tendre vers 30%, via une carte étoffée et un merchandising bien pensé.
- Le RevPASH (Revenue per Available Seat Hour) : il s’agit du CA réalisé par siège et par heure d’ouverture. Un indicateur précieux pour challenger ses créneaux horaires et traquer les poches de marge.
Concrètement, pourquoi ces quatre KPIs sont-ils si importants ? Tout simplement parce qu’ils correspondent aux leviers qu’un restaurateur peut activer pour décupler son CA. Un restaurant génère son CA via une multitude de canaux :
- Le service en salle bien sûr, cœur de l’activité, avec la vente sur place
- Mais aussi les ventes à emporter, en augmentation (jusqu’à 25% du CA)
- La livraison à domicile, en propre ou via des plateformes (Uber Eats, Deliveroo) malgré des commissions élevées, car prisée par la clientèle
- Les services traiteur et banquets, vecteurs de CA additionnel
- Les distributeurs automatiques pour les petits-déjeuners et collations
- etc.
Chaque segment répond à des logiques différentes en termes de prix, d’offre et d’expérience client. Aussi convient-il de suivre les ventes sur ces différents canaux dans son logiciel de caisse pour ajuster sa stratégie. Idem pour les modes de règlement (espèces, CB, Titres Restaurant, QR Code).
Le défi reste toujours le même : booster le CA généré par ces relais de croissance, sans pour autant phagocyter ses ventes en salle. En clair, multiplier les voies de chiffre sans renoncer à ses fondamentaux.
Coûts et marges, la face cachée du CA
Un chiffre d’affaires élevé ne vaut que s’il se convertit in fine en rentabilité. Il est donc très important de bien saisir le lien entre CA et marges. La marge brute dégagée sur chaque produit dépend à la fois de son coût matière et de son coefficient multiplicateur.
La relation entre CA, coûts des matières et marge
En restauration, le ratio matières (coûts d’achat des matières / CA) doit idéalement se situer sous les 30%. Une dérive de ce ratio, aussi appelé "food cost" pour la nourriture et "beverage cost" pour les boissons, impacte directement la rentabilité.
Outre le fait de fixer très justement les prix de vente, la lutte contre le gaspillage et les pertes (casses, vols) s’avère capitale pour le maîtriser. Le recours à un logiciel de gestion des stocks facilite ce suivi des coûts matières.
Notons que la marge brute ne suffit pas. La marge nette intègre quant à elle les frais de personnel, qui pèsent lourd (jusqu’à 50% du CA) dans ce secteur intensif en main-d’œuvre.
Méfiance donc sur les ratios comptables d’apparence. Le taux de marge brute “efficient” doit ainsi se situer autour de 70% afin de dégager in fine une marge nette de 10%, une fois payés salaires et charges.
Comment un restaurateur fixe-t-il ses prix de vente ?
Bâtir une grille tarifaire pertinente est tout sauf un exercice anodin. Un restaurant qui ne vendrait que des Caesar Salads à 15€ avec 3€ de coût matière réaliserait certes 80% de marge brute... mais risquerait de faire fuir ses clients !
Le travail du restaurateur consiste à jouer finement sur le mix produits. Chaque famille de produits obéit à des ratios économiques différents en fonction de son food cost. Les boissons chaudes supportent ainsi des coefficients multiplicateurs de 5, 8, voire 10. À l’inverse, les coefficients multiplicateurs des plats oscillent plutôt entre 3 et 4.
Le menu-engineering offre au restaurateur une grille d’analyse éclairante pour classer ses produits selon leur popularité (taux de prise) et leur rentabilité (marge). On y retrouve :
- Les Stars (forte marge, forte popularité) à mettre en avant
- Les Plow horses (faible marge, forte popularité) à ajuster
- Les Puzzles (forte marge, faible popularité) à challenger
- Les Dogs (faible marge, faible popularité) à éliminer
Enfin, un restaurateur doit intégrer dans sa grille l’inflation galopante de ses matières premières (beurre, farine, viandes, café, etc.). Autrement, il s’exposerait à une pression trop forte sur ses marges. Un suivi régulier des mercuriales lui permet d’acter les hausses tarifaires au bon moment, sans casser sa fréquentation.
Comment un restaurateur négocie-t-il avec ses fournisseurs ?
Un restaurateur transfère en moyenne 75% de son CA à ses fournisseurs. Sa rentabilité dépend grandement de la qualité de ses relations avec eux. Pour choisir ses partenaires en amont, il peut :
- Lancer des appels d’offres, en comparant prix et qualité
- Référencer plusieurs fournisseurs par famille (boissons, frais, épicerie, etc.)
- Procéder à des dégustations comparatives à l’aveugle
- Mutualiser ses achats avec d’autres via des centrales
L’enjeu de la négociation porte sur les tarifs (remises sur volume, ristournes de fin d’année). Mais la discussion s’articule aussi autour des services (fréquence des commandes, minimum de livraison, reprise des invendus, délai de paiement).
Un suivi périodique (trimestriel) des contrats s’avère indispensable. Bon nombre de fournisseurs n’ont pas le choix face à l’inflation : ils répercutent automatiquement leurs hausses sans en informer le restaurateur.
Piloter et prévoir son chiffre d’affaires
Le budget prévisionnel
Suivre son CA au fil de l’eau est évidemment indispensable, mais pas suffisant. Un restaurateur doit être proactif plutôt que réactif. Chaque année, il doit construire un budget prévisionnel de CA.
L’exercice s’avère délicat et requiert d’intégrer la saisonnalité de l’activité. Été/hiver, semaine/week-end, midi/soir... l’analyse fine des ventes passées, corrigée des facteurs exceptionnels, permet de déterminer des objectifs réalistes pour les différentes unités de temps.
On parle de reprévision (rolling forecast) pour cette trajectoire de CA revisitée chaque mois. Ce budget servira ensuite de référentiel pour analyser les écarts entre le prévisionnel et le réalisé, et identifier rapidement les décrochages à corriger. Un budget digne de ce nom intègre les KPIs tels que le RevPASH, le ticket moyen ou le ratio matières.
Les autres facteurs externes à surveiller
“Gouverner, c’est prévoir” : l’adage s’applique à merveille à l’univers de la restauration, dont les recettes sont soumises à une multitude d’aléas.
Au chapitre des mauvaises surprises figurent les mutations d’un quartier : travaux d’envergure, ouverture d’un nouveau concurrent, fermetures d’entreprises, etc. Un restaurateur à Paris doit “sentir” son environnement.
Il doit se tenir informé des projets urbains en échangeant avec les acteurs économiques et riverains qui composent son écosystème. Il ne faut pas hésiter à remettre en cause son etude de marché restaurant initiale.
Il serait par ailleurs imprudent de négliger le poids grandissant des tendances sociétales en France. Montée du flexitarisme, recherche d’exotisme, engouement pour le locavorisme, etc. Une veille sur les comportements alimentaires permet de remettre sa carte au goût du jour. C’est également fondamental au moment de construire le business plan d'un restaurant, plus précisément au moment de mener une analyse swot restauration.
Enfin, certaines circonstances impactent très directement la fréquentation, et de manière très brusque :
- Une météo défavorable réduisant la fréquentation à néant,
- Des événements sportifs ou culturels majeurs drainant un afflux de visiteurs,
- Etc.
Ces facteurs méritent une attention particulière pour calibrer ses commandes et ses effectifs, voire envisager des opérations spéciales (retransmission de match, menu spécial festival).
FAQ : les questions récurrentes autour du CA en restauration
Comment calculer précisément son taux d’occupation ?
Le taux d’occupation rapporte le nombre de couverts servis au potentiel de couverts sur une période donnée. Il se calcule ainsi : Nombre de clients servis / (Nombre de places assises x Nombre de services). En pratique, ce ratio s’apprécie heure par heure. L’enjeu est de convertir au mieux son flux de clients en chiffre d’affaires.
Quels sont les principaux ratios de coûts à surveiller en restauration ?
Trois soldes intermédiaires de gestion méritent une vigilance particulière. D’abord, le ratio "coûts d’achat des marchandises / CA", qui ne doit pas excéder 30 à 35%. Deuxième jalon crucial, le taux de marge brute, après prise en compte des frais de personnel, qui devrait avoisiner les 50 à 55%. Enfin, le résultat d’exploitation, obtenu après comptabilisation des frais généraux (loyer) qui doit tendre vers les 10-15% du CA pour assurer la pérennité de l’établissement.
Comment construire un budget prévisionnel de chiffre d’affaires ?
Élaborer un budget CA implique d’analyser finement l’historique de ses ventes. Le logiciel de caisse permet de ressortir ces données détaillées (par jour, par heure, par famille de produits). L’étape suivante consiste à appliquer des coefficients de saisonnalité et de croissance, selon les tendances et événements anticipés. Il est toujours utile d’envisager plusieurs scénarios (pessimiste, neutre, optimiste). Certains logiciels de prévision intègrent ces paramètres, mais un simple tableur peut faire l’affaire.