1. Panorama des statuts possibles pour les VTC
L'entreprise individuelle : un cadre simplifié mais vite limitant
Pour beaucoup de chauffeurs VTC, le statut d'entrepreneur individuel (EI) reste un point d'entrée privilégié dans le secteur. Il faut noter qu'en 2022, les régimes de microentreprise et d'entreprise individuelle (EI, EIRL) ont fusionné. Pour exercer en personne physique, deux options sont possibles.
La micro entreprise
La microentreprise séduit par sa grande simplicité :
- Des formalités juridiques de création et de gestion réduites au minimum
- Des démarches simplifiées pour devenir chauffeur VTC et obtenir un macaron pour VTC, obligatoire pour exercer
- Un régime fiscal hyper simplifié avec un prélèvement unique de 21,2% du CA (22,9% avec option pour le versement libératoire de l'impôt)
- Un régime avantageux jusqu'à 77 700€ de CA, avec un abattement forfaitaire de 50% sur le chiffre
- Une franchise de TVA jusqu'à 37 500€ (41 250€ sous conditions)
Cette formule reste pertinente pour les chauffeurs débutants, qui ne trouvent pas l'intérêt de devenir chauffeur de taxi. Elle est également pertinente pour exercer à temps partiel, avec un chiffre d'affaires limité. Mais attention au plafond de revenus : dès que l'activité décolle, on se retrouve vite bloqué.
Avec 10h de travail par jour, 5 jours par semaine, à un taux horaire moyen de 24€ après commission, le plafond est atteint en à peine 8 mois. Un rythme courant pour un chauffeur installé à Paris ou dans une grande métropole.
L'autre limite du régime micro tient aux charges. Avec 21,2% de cotisations forfaitaires sur le CA, difficile de s'y retrouver quand on roule beaucoup et que les frais de carburant, d'entretien et d'assurance s'accumulent.
L'entreprise individuelle (EI)
Au-delà du seuil de 77 700€ de la microentreprise, il est obligatoire de passer au régime "au réel" de l'EI :
- La liberté de chiffre d'affaires en contrepartie d'une comptabilité plus poussée
- Des charges calculées sur le bénéfice réel, et non plus sur le CA brut
- La possibilité de déduire toutes ses charges (carburant, entretien, assurance, location/amortissement du véhicule)
- L'assujettissement à la TVA au-delà de 37 500€ (41 250€) avec possibilité de récupérer la TVA sur les frais
Depuis 2022, les entrepreneurs individuels bénéficient aussi d'une protection automatique de leur patrimoine personnel (hors dettes fiscales et sociales). Cela représente un vrai plus dans un métier où le véhicule et ses équipements sont les apports les plus importants.
Les sociétés : l'atout fiscal et social des VTC confirmés
Dès que le chiffre d'affaires décolle et dépasse un certain montant, les statuts juridiques de "personne morale" reprennent de la pertinence pour le chauffeur VTC professionnel. Deux options se détachent : l'EURL et la SASU.
L'EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée)
L'EURL permet de conserver une gestion souple avec le statut de gérant, tout en faisant un pas de côté sur la fiscalité :
- Séparation du capital social de l'activité et du patrimoine de la personne, l'EURL répondant seule des dettes
- Possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés (IS) pour lisser sa fiscalité
- Déduction libre des rémunérations, dividendes et avantages du gérant
- Cotisations sociales réduites à 45% sur la rémunération, et non sur le CA
L'atout principal de l'EURL tient à un taux d'IS réduit à 15% jusqu'à 42 500€ de bénéfices. L'IS s'avère plus avantageux pour un VTC réalisant jusqu'à 100-120 000€ de chiffre d'affaires. L'économie peut atteindre plusieurs milliers d'euros par an par rapport à l'impôt sur le revenu (IR).
La SASU (société par actions simplifiée unipersonnelle)
La SASU franchit encore un cap en offrant le statut de salarié au dirigeant :
- Couverture sociale maximale (maladie, retraite, chômage, prévoyance)
- Possibilité de bénéficier de l'assurance chômage en cas de perte d'activité (soumise à conditions)
- Charges sociales déductibles et plafonnées même à rémunération élevée
- Optimisation de la rémunération entre salaire et dividendes pour une pression fiscale limitée
- Assujettissement à la TVA permettant de récupérer la TVA sur les gros frais (véhicule, carburant)
C'est clairement le statut le plus protecteur et le plus souple pour les VTC réalisant plus de 80 000€ de chiffre annuel. À condition d'accepter des coûts de gestion accrus (comptable, AGO annuelle) et des démarches plus lourdes.
La SAS à plusieurs actionnaires reste confidentielle pour la profession de chauffeur. Seuls les projets de société de VTC mutualisée privilégient ce statut.
2. Bien choisir son statut selon son modèle
Les profils types et leurs priorités en 2025
En tant qu'expert-comptable spécialiste des VTC, nous avons identifié trois grands profils avec des besoins distincts.
Le VTC débutant / à temps partiel
- Activité professionnelle complémentaire, souvent sur des horaires ciblés (soirée, week-end)
- Un chiffre d'affaires encore limité, souvent inférieur à 30 000€ annuel
- Une priorité : la simplicité de gestion pour démarrer son activité sans tracas
→ La microentreprise s'impose ici comme une porte d'entrée commode, malgré une protection sociale très limitée. L'idée est avant tout de se lancer sans s'enfermer.
Le VTC "standard" à plein temps
- Activité de chauffeur VTC principale, 5 à 6 jours par semaine, 40 à 50h travaillées
- Un chiffre d'affaires compris entre 70 et 120 000€ par an dans les grandes villes
- Des priorités : optimiser ses charges et sa fiscalité, lisser sa trésorerie
- Un véhicule principal à entretenir et amortir (nécessitant 20 à 30 000€ d'investissement)
→ Changer de statut juridique vers l'EI ou l'EURL au réel devient vite rentable, car on peut déduire ses frais réels et l'amortissement de son véhicule professionnel. C'est un premier pas vers l'optimisation fiscale et une protection du patrimoine.
Le VTC "premium/affaires"
- Activité à forte valeur ajoutée : clientèle d'affaires, trajets privatisés, événementiel
- Des chiffres d'affaires dépassant les 150 000€ par an, mais des coûts élevés (véhicule haut de gamme, prestations sur-mesure)
- Un cœur de cible : les cadres et dirigeants en déplacement en quête d'un service personnalisé
- Des priorités : la protection sociale, l'optimisation fiscale et le lissage des hauts revenus
→ La SASU devient incontournable pour allier couverture sociale maximale (y compris en cas d'arrêt) et optimisation de sa rémunération (salaire/dividendes) pour les hauts revenus. La SASU VTC est un statut juridique très pertinent dès 100 à 120 000€ de CA.
Statut juridique et plateformes : quel impact ?
Il est clair que le statut choisi n'est pas neutre dans les relations avec les plateformes type Uber :
- L'apport d'affaires et la mise en relation restent leur prérogative, quel que soit le statut
- Mais les VTC en SASU peuvent plus facilement négocier leurs conditions tarifaires
- De même, être en société renforce la crédibilité pour décrocher des contrats en direct
Beaucoup de chauffeurs confirmés font donc le choix de mixer les canaux :
- Ils conservent 1 à 2 plateformes comme apporteur de base et variable d'ajustement
- Mais ils développent en parallèle leur clientèle propre pour sécuriser leurs revenus
- C'est d'autant plus vrai pour les VTC premium qui proposent des prestations sur-mesure
La tendance devrait encore s'accentuer avec l'émergence d'acteurs alternatifs et de nouveaux canaux (applis dédiées VTC, conciergeries, hôtels haut de gamme, tour-opérateurs, etc.).
Comment s'organise la protection sociale des VTC ?
Au-delà de l'aspect purement fiscal, le statut définit le niveau de couverture sociale dont bénéficie le chauffeur. Un paramètre crucial dans un métier physiquement éprouvant. En 2025, les écarts restent significatifs.
La micro entreprise et l'entreprise individuelle offrent une protection minimale : pas de couverture chômage (sauf adhésion volontaire), des indemnités journalières maladie calculées sur une base forfaitaire, une retraite au minimum vieillesse.
L'EURL améliore un peu la donne, la protection sociale étant assise sur la rémunération réelle du gérant. Mais celui-ci ne cotise toujours pas à l'assurance chômage.
Seule la SASU permet au VTC d'accéder au régime général de la Sécurité Sociale et à l'ensemble de ses garanties : indemnités maladie sur la base du salaire réel, droits à la retraite alignés sur ceux des salariés, et surtout possibilité de toucher le chômage en cas de perte d'activité (démission ou liquidation).
Dans tous les cas, la souscription d'une complémentaire santé et prévoyance reste indispensable pour couvrir les dépassements d'honoraires (soins optiques, dentaires), s'assurer un revenu de remplacement en cas d'arrêt de travail prolongé et protéger ses proches en cas de décès.
3. Les vrais chiffres : simulations comparées
À 50 000€ de CA : la microentreprise largement gagnante
Prenons le cas d'un VTC débutant réalisant 50 000€ de chiffre d'affaires annuel. Avec des frais réels (essence, entretien, assurance, téléphone) estimés à 15 000€, voici ce que donnerait sa rémunération nette selon le statut :
En microentreprise :
- CA : 50 000€
- Charges sociales (21,2%) : 10 600€
- CA après charges : 39 400€
- Frais réels : 15 000€
- Bénéfice imposable : 24 400€
- Impôt sur le revenu* : 2 860€ → Rémunération nette : 36 540€
En SASU :
- CA : 50 000€
- Frais réels : 15 000€
- Bénéfice avant rémunération : 35 000€
- Rémunération brute : 24 000€
- Charges sociales (environ 80% incluant charges patronales et salariales) : 19 200€
- Rémunération nette : 4 800€
- IS sur le bénéfice restant (11 000€ x 15%) : 1 650€ → Rémunération nette totale : 14 150€
À ce niveau de chiffre d'affaires, la microentreprise est clairement plus avantageuse : elle permet de dégager 22 390€ de plus dans la poche du VTC, soit plus de 150% de mieux que la SASU ! De quoi relativiser les limites de la protection sociale.
À 100 000€ de CA : l'EURL au réel en meilleure position
Voyons maintenant le cas d'un VTC confirmé atteignant les 100 000€ de CA, avec 30 000€ de frais professionnels.
En EURL avec l'option pour l'IS, il percevrait une rémunération nette de 50 000€ après déduction des cotisations TNS et de l'impôt sur les sociétés.
En SASU avec une optimisation de sa rémunération (36 000€ bruts), il toucherait au total 40 170€ net entre salaire et dividendes, après charges sociales et IS.
À 100 000€ de CA, l'EURL surpasse donc la SASU d'environ 10 000€ de rémunération nette, grâce à des cotisations plus faibles sur les TNS et à l'optimisation de l'IS.
L'écart se resserre toutefois au-delà de 120 000€ de CA, la SASU permettant alors d'optimiser la répartition salaire/dividendes tout en conservant une couverture sociale maximale.
4. Comment optimiser son statut en pratique ?
Bien démarrer : les bonnes questions à se poser
Pour choisir sereinement le statut de son entreprise de VTC, quelques questions permettent de se situer :
- Ai-je une idée réaliste de mon CA annuel ? Ne pas confondre chiffre et revenu net.
- Quels sont mes frais réels incompressibles ? Carburant, assurance auto, entretien représentent souvent 25 à 30% du CA.
- Quelle est ma capacité d'investissement ? Un véhicule récent (hybride ou électrique) permet de gros gains fiscaux.
- Ai-je besoin d'une protection sociale accrue ? Maladie, prévoyance, chômage varient fortement selon le régime social.
- Quelles sont mes marges de négociation avec les plateformes ? Est-ce que créer une société avec un statut plus crédible (SASU) m'aiderait dans les négociations tarifaires ?
Un conseil : bien se faire accompagner dès le départ par un expert-comptable spécialiste du VTC pour bâtir une stratégie sur mesure. Une approche qui vaut vite largement son coût.
Préparer une transition sereine le moment venu
L'activité d'un véhicule de tourisme avec chauffeur évolue rapidement. Ce qui vaut à 30 000€ de CA ne tient plus à 100 000€. D'où l'importance de réévaluer régulièrement son statut en fonction de ses résultats et de sa situation.
Plusieurs signaux doivent alerter :
- Un CA qui approche les plafonds de la micro entreprise,
- Des frais réels qui grimpent plus vite que les recettes,
- Un besoin d'investir dans une voiture de transport haut de gamme,
- Une couverture sociale insuffisante en cas de maladie,
- L'envie de développer une clientèle directe.
Changer de statut n'a rien d'insurmontable, à condition d'anticiper les étapes clés : réaliser un prévisionnel chiffré, fixer une date de bascule cohérente (un 1er janvier), accomplir les démarches 3 mois avant, mettre à jour ses assurances et informer ses partenaires.
En cas de changement de structure juridique, n'oubliez pas de mettre à jour votre inscription au registre des VTC. Cette formalité est souvent négligée, alors qu'elle est obligatoire pour conserver une carte professionnelle parfaitement en ordre.
Suivre ses indicateurs clés avec un expert
Une fois le bon statut adopté, tout l'enjeu est d'apprendre à piloter finement son activité. Avec un expert comptable, un VTC peut rapidement optimiser les leviers qui impactent sa rentabilité :
Estimer ses frais réels pour ajuster son besoin de CA, moduler ses taux de cotisations pour les TNS, optimiser son ratio "courses/heure" pour réduire les temps morts, ajuster finement ses tarifs et son coût de revient, doser subtilement salaires et dividendes le cas échéant, etc.
Un suivi mensuel ou trimestriel fait souvent la différence, surtout dans une conjoncture tendue. Bien utilisé, un logiciel de gestion dédié permet de gagner un temps précieux.
Conclusion
En résumé, voici des éléments de réponse pour bien choisir son statut de VTC en 2025 :
- Débutant ou activité occasionnelle (- 30 000€ de CA) : la microentreprise est la forme juridique la plus pertinente pour sa simplicité
- Activité établie (30 à 80 000€ de CA) : créer une société avec un associé unique (EURL) s'avère plus avantageux que de rester en micro entreprise
- Gros rouleur (+ 80 000€ de CA) : créer une entreprise en SASU est plus intéressant, afin de bénéficier d'une couverture sociale et travailler sur l'optimisation de son impôt
Il y un point de vigilance à garder en tête : bien anticiper l'évolution de son activité et s'entourer d'un expert-comptable comme Asendens pour chiffrer précisément les options, le tout sans s'enfermer dans un statut définitif.
L'enjeu est d'adapter son cadre juridique à sa réalité économique. Une condition essentielle pour transformer son activité de VTC en une entreprise pérenne, quel que soit son modèle.
FAQ : les 5 questions des VTC sur leur statut
Combien coûte le changement de statut vers une société (EURL/SASU) ?
Il faut prévoir environ 1 000€ en cumulant les frais d'immatriculation, la publication d'une annonce légale et les honoraires d'un comptable pour créer les statuts. Un coût largement amorti dès la première année grâce aux économies d'impôt et de cotisations réalisées.
Peut-on cumuler le statut de VTC en micro-entreprise avec une activité salariée ?
Oui, aucune loi n'empêche d'avoir à la fois un contrat de travail auprès d'une entreprise et être entrepreneur VTC. L'exception pourrait être une clause d'exclusivité dans le contrat de travail. Autrement, c'est parfaitement légal. Il faut veiller cependant à ne pas dépasser les seuils de CA et à déclarer son activité à son employeur. La protection sociale du régime général primera alors sur la micro-entreprise.
Mon véhicule est-il mieux protégé en société ?
Sur le plan juridique, oui. En cas de coup dur, la responsabilité est limitée au montant apporté dans la société : seul le patrimoine de l'entreprise peut être saisi (ex : le véhicule et ses équipements). En pratique, les meilleurs contrats (LOA, crédit-bail) sont aussi plus faciles à négocier par une société.
Quel taux de TVA appliquer en VTC ?
En 2025, les prestations de transport VTC sont généralement soumises au taux normal de 20%. Toutefois, un taux réduit de 10% peut s'appliquer lorsque la tarification est définie selon la distance parcourue et que la destination finale est déterminée à l'avance. Les règles de franchise en base de CA, de déclaration et de facturation ne changent pas.
Dois-je opter pour l'IS si je crée une EURL ?
Oui, créer son entreprise en EURL et opter pour le régime fiscal de l'IS est souvent judicieux dès 40 000€ de bénéfices. On bénéficie d'un taux réduit à 15% jusqu'à 42 500€. Au-delà, le taux normal de 25% reste en général plus avantageux que la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. Mais une simulation précise s'impose.